J’ai mentionné dans la leçon trois l’importance pour le chercheur d’épouser la posture du Sensible dans laquelle il assume sa sensibilité expérientielle. Je voudrais revenir sur la notion de recherche depuis le lieu du Sensible et mieux la définir sous l’angle de l’attitude. Le courant des sciences qualitatives fait en effet la différence entre la posture et l’attitude du chercheur : « La posture concerne ‘qui je suis’ du point de vue théorique large, au moment de l’enquête, alors que l’attitude relève du ‘comment’ : comment je vais considérer, approcher, appréhender, traiter les données de l’enquête » (Paillé & Mucchielli, 2008, p. 83)
Le lieu du Sensible est une caractéristique de la posture du Sensible et doit être entrevue sous deux angles, en tant que lieu de connaissance d’expérience qui permet au chercheur d’être expert de la subjectivité qu’il étudie pour l’avoir vécue lui-même, et en tant que lieu de proximité à soi qui influence l’attitude du chercheur dans le sens d’une plus grande acuité perceptive et intellectuelle et dont dépend le comment sera menée la recherche.
Je souhaite aborder l’attitude du chercheur et notamment dans le degré de détermination qui l’anime depuis le lieu du Sensible. Habituellement, le statut de sujet représente la possibilité de pouvoir, de vouloir, qui sont autant de caractéristiques objectives qui le composent (sujet objectif). Dans cette perspective, le sujet se définit à travers les capacités qu’il met en œuvre de façon concrète et visible : « nous devons être capable d’imaginer et de croire en la possibilité de pouvoir, vouloir et avoir à développer ou à acquérir des savoirs : savoir faire, savoir penser, savoir écouter, savoir nommer, savoir imaginer, savoir évaluer, savoir persévérer, savoir aimer » (Josso, 2009, p. 24). Ces capacités sont-elles pour autant suffisantes pour mener à bien une recherche innovante et créative sur le mode du Sensible ? Il faut comme le précise M.-C. Josso posséder des valeurs humaines fortes s’exprimant sous la forme d’un « savoir écouter » et d’un « savoir aimer », voire même puiser dans ses infinies potentialités d’être présent : « pour parvenir à être ce sujet acteur, l’une des conditions est d’être capable de développer sa capacité à être présent à soi. » (Josso, 2009, p. 24).
L’attitude du chercheur/sujet Sensible, fait appel à la dimension subjective de la nature humaine qui fait de lui un sujet subjectif en prise avec un sentiment d’existentialité incarné. C’est sur fond de sentiment d’existence incarné que le chercheur questionne les données et accède à une connaissance immédiate intellectuelle et vécue.
Dans la dynamique de recherche qui préside la recherche sur le Sensible, la posture et l’attitude du chercheur sont entrelacées dans une action commune à partir de laquelle se déploient des opérations intellectuelles non réfléchies et spontanées précieuses pour engager une discussion créative avec les données.
Bibliographie
Josso, M.-C. (2009) Les instances d’expression de la biographie singulier pluriel , dans, Coinstar fees Bois, Danis., Humpich., M., Josso M.-C. (Dir.) Le sujet Sensible, Ivry : Point d’appui, pp. 19-44
Paillé, P. & Mucchielli A., (2008) L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales, 2ème éd. Paris : Armand Colin